AOP, IGP et Produit de montagne Les labels officiels n’échappent pas à la fraude
Un restaurateur qui met à sa carte de « l’agneau de l’Aveyron » n’ayant jamais brouté l’herbe des Causses, mais juste été abattu dans le département… et par conséquent ne bénéficiant pas de l’IGP (Indication géographique protégée) éponyme ; des coppa abusivement étiquetées « coppa di Parma » alors qu’elles ne respectent pas le cahier des charges de cette IGP italienne ; des viennoiseries étiquetées AOP au prétexte que le beurre utilisé pour leur fabrication bénéficie du label officiel (Beurre Charentes-Poitou)… Voilà un petit florilège des fraudes et autres pratiques de nature à tromper les consommateurs relevées lors des plans de contrôle des labels européens (AOP, IGP, STG…) menés en 2016 et 2017 par la Répression des fraudes (DGCCRF). Avec plus de 25 % de non-conformités dans les produits contrôlés, ces résultats alarmants ont de quoi ébranler la confiance des consommateurs dans un système pourtant censé leur garantir qualité et authenticité.
Cabécou de Rocamadour et Rocamadour des Cabécous
Les opérateurs peu scrupuleux repoussent chaque année un peu plus loin les limites de la fraude. Par exemple, certains n’hésitent plus à arborer sur leurs étiquettes les précieux logos AOP ou IGP sans en avoir l’habilitation. Entre autres, un producteur commercialisait ses fromages sous l’AOP Cantal « malgré le retrait de son habilitation par l’Inao [Institut national de l’origine et de la qualité] et plusieurs avertissements de nos services », précise le rapport de la DGCCRF. Autres pratiques courantes : les dénominations fantaisistes telles que « Cabécou de Rocamadour » et « Rocamadour des Cabécous » sont aussi fréquentes, « ce qui entraîne l’existence d’une certaine confusion entre le fromage Cabécou qui ne bénéficie d’aucun signe de qualité et les fromages bénéficiant de l’AOP Rocamadour », remarquent les enquêteurs.
Plus grave encore, le respect des cahiers des charges, pierre angulaire des signes officiels de qualité, se révèle parfois à géométrie variable de la
part des acteurs des filières eux-mêmes. Un comble alors qu’ils ont participé à l’élaboration de ces documents contractuels, censés les protéger des contrefaçons ! Ainsi l’obligation d’utiliser du lait cru, spécifiée en toutes lettres dans le cahier des charges et garante de la typicité de leur fromage, n’est pas toujours respectée par les producteurs de Rigotte de Condrieu, note le rapport. Autre cas litigieux relevé par le plan de contrôle : des olives noires de Nice AOP dont la composition de la saumure ainsi que les lieux de production et transformation n’étaient pas conformes à leur cahier des charges.
Des fraudeurs jamais à court d’idées
La traçabilité, elle aussi, laisse parfois à désirer, les opérateurs intermédiaires n’étant pas toujours en mesure de produire les éléments leur permettant de justifier la conformité de leurs produits au cahier des charges et leur origine (référence à l’AOP/IGP sur les factures, formalisation des autocontrôles, etc.) lors des contrôles. Des enquêteurs ont ainsi rédigé un constat de non-conformité à l’encontre d’un magasin de produits biologiques qui n’avait pas pu justifier l’origine bio des noix de Grenoble présentées en rayon.
Enfin, les contrôles ont montré que la nouvelle mention européenne « Produit de montagne » n’a pas réussi à séduire les professionnels, en raison des exigences réglementaires liées à cette dénomination. « Ils semblent dorénavant privilégier d’autres indications géographiques tout aussi valorisantes, telles que Pyrénées, Ariège, Cantal, Auvergne, etc. », notent les enquêteurs. Ce qui ne décourage pas pour autant les fraudeurs. Par exemple, un magasin spécialisé en miel n’a pas pu justifier l’origine du miel qu’il commercialisait sous l’appellation « montagne ».
Face à cette avalanche d’infractions, les manquements aux règles formelles d’étiquetage pour les produits bénéficiant à juste titre d’un signe de qualité peuvent sembler plus véniels (non-affichage du logo européen sur des produits AOP/IGP, non-respect de sa couleur et de sa taille, mention AOC au lieu de l’AOP, etc.). Reste que ces non-conformités mineures entraînent à leur tour un risque de confusion pour les consommateurs souvent perdus dans la jungle des labels existants.
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Florence Humbert