Marketing alimentaire Les boissons alcoolisées gazeuses débarquent
Les « hard seltzers », ces nouvelles boissons alcoolisées à base d’eau parfumée, déboulent en France. Portées par des discours édulcorant leur teneur en alcool, elles ciblent les jeunes en priorité. Pétillantes, sucrées et fraîches, elles se boivent rapidement. Le goût de l’alcool est camouflé par les bulles et les arômes de fruits. Or, ces boissons sont aussi alcoolisées que des bières.
Grand succès de l’été 2019 aux États-Unis, les « hard seltzers » ont fait une percée cet été en Europe. Leur cible privilégiée : les jeunes qui tendent à bouder les boissons alcoolisées traditionnelles, en particulier la bière, trop amère pour leurs papilles. Pour cela, les fabricants brouillent les repères, grâce à un délectable marketing… C’est « rafraîchissant », « pur », « naturel » – voire mieux, « bio » –, « diététique », « sans gluten » et « vegan », et élaboré – dans leur garage ou presque – par de « jeunes créateurs » branchés amateurs de « produits de qualité »… Bref, tous les ingrédients d’une belle opération marketing pour un pur produit de l’agroalimentaire !
Ainsi, le site de la marque américaine Snowmelt (« fonte des neiges », en anglais) évoque à grands renforts de photos de paysages magnifiques « une eau pure née des montagnes du Colorado, gazeuse et alcoolisée » additionnée d’une « subtile combinaison d’arômes naturels de fruits », et des saveurs « au goût inégalé ». Le tout pour « seulement 100 calories », autre argument de taille.
Snowmelt n’est que l’une des marques qui se lancent sur ce créneau, à l’instar des américains White Claw (Mark Anthony Brands), Truly (Boston Beer), des français Fefe, Opean ou Natz. Les multinationales des boissons alcoolisées ABInBev (avec les marques Bon & Viv et Bud Light Seltzer) et Constellation Brands (avec une version « hard seltzer » de la Corona) s’y mettent également (1). Selon Nielsen, le marché aurait atteint 1,5 milliard de dollars aux États-Unis en 2019.
AVEC 5 % D’ALCOOL, CES BOISSONS ÉQUIVALENT À DES BIÈRES
Le problème, c’est que cette eau « légèrement alcoolisée » peut être dangereuse, en particulier pour les jeunes. « C’est une boisson nouvelle, à la mode. Le message subliminal est qu’il s’agit d’abord d’eau, avant d’être de l’alcool », déplore Bernard Basset, président de l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (Anpaa). Les bulles et le parfum de fruits évoquent la légèreté. Pourtant, en titrant 5 % d’alcool, ces boissons équivalent en réalité à des bières classiques, type lager. L’Anpaa veut démystifier le produit en rappelant qu’il s’agit avant tout d’une « boisson alcoolique obtenue par fermentation, avec des levures, du sucre et des arômes ». Bref, une fabrication « basique et universelle », « proche de celle de la bière ». L’association veillera à ce que les messages sanitaires et le logo d’avertissement à destination des femmes enceintes ne soient pas « oubliés » par les fabricants, comme c’est déjà le cas sur un certain nombre de canettes et de sites…
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1. Les Études d’Unigrains, mars 2020.
Elsa Casalegno