Publicité L’argument « écologique » trop souvent exagéré
Les marques sont nombreuses à exagérer l’impact écologique de leurs produits et à induire en erreur les consommateurs avec des logos ou des allégations manquant de nuances, regrettent l’Agence de la transition écologique (Ademe) et l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) dans un rapport.
Le vert fait vendre. En ces temps d’urgence écologique et d’appels à la consommation durable et responsable, les marques sont nombreuses à utiliser ces arguments dans leur communication. C’est la course à qui sera le plus vert(ueux) ! Pour éviter les dérives, le régulateur de la publicité (ARPP) a formulé dès 1990 des recommandations quant aux « arguments écologiques » dans la publicité. Régulièrement revues, ces règles concernent la véracité des actions engagées par les marques, la proportionnalité du message, le vocabulaire employé, etc. La dernière version de ces recommandations, publiée en août 2020, a par exemple renforcé l’interdiction de présenter des véhicules automobiles sur des espaces naturels.
Le bilan annuel publié le 7 septembre par l’ARPP et l’Ademe montre que ces règles sont encore loin d’être parfaitement appliquées. Les deux organismes ont analysé 26 120 publicités en juin, septembre, octobre et novembre 2019, dont 833 comportaient un aspect environnemental. Ces publicités étaient des bannières web, des insertions presse, des campagnes d’affichage national, des publications Facebook et des publicités vidéo diffusées sur YouTube (les spots télévisés ne sont pas concernés par cet examen car ils sont contrôlés avant leur diffusion).
Sur ces 833 publicités, 97 ne respectaient pas les règles déontologiques, soit un ratio de 11,6 %. Ce taux de conformité de 88,4 % est le plus bas depuis 2011 : il était de 94 % en 2017, lors du précédent bilan. « Alors que le taux de conformité était en légère augmentation depuis 8 ans (de 92 à 94 %), il baisse cette année, passe sous la barre des 90 % et revient au même niveau qu’en 2010 », regrettent les auteurs du bilan, l’expert en communication Mathieu Jahnich et Valérie Martin, chef du service Mobilisation citoyenne et Médias à l’Ademe. À titre de comparaison, les taux obtenus dans les bilans thématiques de l’ARPP sur les comportements alimentaires et sur l’image et le respect de la personne sont de 99,8 % dans les deux cas.
DES MESSAGES DISPROPORTIONNÉS
La Mercedes EQC 400 décrite comme « garantie 0 émissions » alors que cela ne concerne que la phase de roulage et non l’ensemble de son cycle de vie ; une publicité pour le déodorant Sanex déodorant 0 % qui appelle à « libérer la planète des émissions de CO2 » en choisissant un format de déodorant plus compact ; un pot de milk-shake présenté comme « la meilleure chose qui soit arrivée à cette planète »… Plusieurs des publicités analysées ont été épinglées du fait de leur message disproportionné par rapport aux actions réellement menées par l’annonceur en matière d’environnement. D’autres sont bien trop vagues, à l’instar des « couches écologiques » Natur’Melodia, de la « cellulose écologique » du laboratoire LFMC ou des « produits de chauffage économique et écologique » d’Aerosun. Les qualités revendiquées doivent être justifiées de façon claire, lisible ou audible – ce qui est loin d’être toujours le cas – et nuancées. Concrètement, au lieu de parler d’un produit « écologique », les marques doivent le présenter comme « plus écologique » [que la moyenne] et expliquer pourquoi. D’autres allégations globalisantes comme « responsable », « bon pour la planète » et « durable » sont concernées.
Ces réserves ne concernent pas que les slogans, elles s’appliquent aussi aux éléments visuels et/ou sonores. Ainsi, dans une publicité pour les radiateurs Muller Intuitiv, « l’utilisation de nombreuses espèces d’animaux, de cris d’animaux et de végétation est excessive au regard des propriétés environnementales des produits ». Sur plusieurs affiches, le manquement est lié à l’utilisation de signes, logos ou labels non officiels (pictogramme rond en forme de planète, utilisation des flèches du recyclage…) qui peuvent induire le consommateur en erreur.
Les règles formulées par l’ARPP et l’Ademe demandent aussi à ce que les publicités fassent preuve de « responsabilité sociale » et évitent « de véhiculer un message contraire aux principes communément admis du développement durable ». Les spots et affiches qui ne respectent pas ce principe dans le corpus analysé sont systématiquement des représentations de véhicules à moteur (motos, automobiles, camping-car) en dehors des voies de circulation dans des milieux naturels : plage, désert, montagne…
CARTON ROUGE POUR LES SPOTS SUR YOUTUBE
Les auteurs du rapport s’étonnent que deux publicités non conformes sur trois proviennent de grandes marques dans le secteur de l’agroalimentaire, de l’énergie, des cosmétiques ou de l’automobile. « Elles disposent pourtant de solides services marketing et communication et sont la plupart du temps accompagnées par des agences conseils », soulignent-ils.
Autre point d’inquiétude, alors que le format vidéo est le plus consommé en France, selon l’Ademe, la moitié des films publicitaires diffusés sur YouTube qui abordent les sujets du développement durable ne sont pas conformes, contre 1 sur 10 dans les autres formats. Ce constat « doit nous inviter à agir spécifiquement dans ce domaine, auprès des annonceurs, de leurs prestataires (agences et free-lances) et des étudiants pour les sensibiliser au respect des règles déontologiques », concluent les auteurs.
QUELQUES EXEMPLES (SOURCE ARPP)
Dans leur rapport 2019 « Publicité et environnement », l’ARPP et l’Ademe pointent quelques pratiques des annonceurs.
Morgan Bourven