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Dossier spécial Coronavirus, Maladie, Médicaments/Pharmacie, Santé Bien-être

Hydroxychloroquine   Pourquoi il ne faut pas en prendre hors de l’hôpital

Prendre de l’hydroxychloroquine en automédication ou en demander à son médecin généraliste contre le Covid-19 est dangereux. Des effets indésirables graves peuvent survenir. En l’absence actuelle de preuve d’efficacité sur le Covid-19,  prendre un tel risque est disproportionné.

« Les ventes quotidiennes ont été multipliées par deux en quelques jours, ce qui indique que le Plaquénil (nom commercial de l’hydroxychloroquine) est largement prescrit contre le Covid-19, alors que ce n’est pas autorisé », déplorait mercredi 1er avril, sur Europe 1, le directeur de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), Dominique Martin. « Nous avons des signaux qui remontent, avec des troubles cardiaques notamment, les gens font des malaises et nous avons également quelques décès », alerte le médecin.

Certes, la responsabilité de l’hydroxychloroquine dans ces décès n’est, en l’état, pas démontrée. Mais l’hypothèse est permise car le risque cardiaque associé à la prise de Plaquénil est bien connu. Pis, ce « risque cardiaque pourrait être fortement potentialisé par l’association d’hydroxychloroquine avec d’autres molécules, comme l’azithromycine [à laquelle le Pr Didier Raoult préconise de l’associer, ndlr], ainsi qu’en raison de troubles métaboliques spécifiques à la maladie Covid-19 », alertait l’ANSM lundi 30 mars. Le même jour, la revue spécialisée Prescrire relevait d’autres signaux d’alerte, cette fois dans les résultats des deux essais cliniques chinois et marseillais déjà menés : à chaque fois, « l’état de santé de plusieurs patients s’est aggravé, tous parmi les patients exposés à l’hydroxychloroquine. […] Cette donnée peut être interprétée comme un signal de risque d’aggravation du Covid-19 par l’hydroxychloroquine ». Et de proposer une piste d’explication en rappelant que la molécule est habituellement utilisée comme immunodépresseur pour le traitement des maladies auto-immunes. En d’autres termes, le Plaquénil a pour effet d’inhiber l’activité du système immunitaire. Celui-là même qui, dans notre organisme, est chargé de lutter contre les bactéries et les virus.

CONSENSUS SCIENTIFIQUE

Que ce soit l’ANSM, la revue Prescrire, le Conseil national de l’ordre des médecins, les Académies de médecine et de pharmacie ou le Conseil national des généralistes enseignants, tous ont donc rappelé, ces derniers jours, la nécessité de limiter la prescription de Plaquénil à un contexte hospitalier, en attendant les résultats d’essais cliniques fiables. Même à l’hôpital, cette prescription doit être réservée à des cas bien particuliers, à savoir dans le cadre des essais cliniques en cours, ou pour certains patients atteints de formes graves, après décision collégiale. « En aucun cas ces médicaments ne doivent être utilisés, ni en automédication, ni sur prescription d’un médecin de ville, ni en autoprescription d’un médecin pour lui-même, pour le traitement du Covid-19 », insiste l’ANSM. Une mise en garde valable également pour l’anti-VIH Kaletra, qui fait aussi l’objet d’un essai clinique contre le Covid-19.

Il est compréhensible que les malades inquiets veuillent mettre toutes les chances de leur côté pour guérir. Mais en l’attente de résultats d’essais cliniques fiables, prendre de l’hydroxychloroquine revient à s’exposer à un risque d’effets indésirables, sans aucune garantie de bénéfice. D’autant plus que, rappelons-le, la très grande majorité des malades guérissent sans ce traitement.

Elsa Abdoun