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Alimentation, Nutrition

La publicité pour enfants bientôt encadrée ?

Le vote de la loi anti-malbouffe à l’Assemblée nationale le 21 février 2019 a permis aux élus de débattre de la nécessité d’encadrer la publicité alimentaire à destination des enfants et des adolescents. Il en ressort une proposition en demi-teinte, premier pas vers une régulation du marketing visant les plus jeunes.

De Platini à Giroud, la recette peut sembler éculée mais les idoles des jeunes continuent à faire vendre la soupe trop grasse, trop salée ou trop sucrée des industriels de l’agroalimentaire. Selon un rapport de l’OMS datant d’octobre 2018, les enfants français « continuent d’être exposés à des messages commerciaux vantant les aliments riches en graisses, en sel et en sucre ». Et quand bien même l’agence onusienne enjoint l’Hexagone à agir pour protéger les plus jeunes du matraquage publicitaire, l’interdiction de la pub pour la malbouffe n’est pas pour demain. Un premier pas vient cependant d’être franchi en direction d’une réglementation.

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Du soda dans les années 80 aux barres chocolatées aujourd’hui, les célébrités populaires auprès des enfants, ici les joueurs de foot Platini, à gauche, et Giroud, à droite, vantent les produits sucrés depuis des générations.

UNE LOI ANTIMALBOUFFE DÉGRAISSÉE

Débattu jeudi 21 février à l’Assemblée nationale, le projet de loi « Protéger la population des dangers de la malbouffe » porté par Loïc Prud’homme (LFI) proposait initialement via son article 3 l’interdiction pure et simple de la publicité en faveur des aliments et boissons destinés aux enfants et adolescents. Une proposition totalement réécrite à l’issue des débats. C’est finalement un amendement porté par Olivier Véran (LRM) qui a clos la discussion, stipulant l’obligation d’affichage du Nutri-Score sur les supports publicitaires pour les produits alimentaires. Une mesure adoptée par les parlementaires malgré un avis défavorable du gouvernement.

« Opter pour un affichage informatif plutôt qu’une interdiction, c’est encore une fois demander au consommateur de faire la part des choses entre ce qui est bon et mauvais », regrette Loïc Prud’homme. D’autant qu’on peut douter de la capacité de discernement de jeunes enfants face à un marketing bien rodé. Il partage toutefois avec la députée Michèle Crouzet (LRM) – rapporteur de la commission d’enquête sur l’alimentation industrielle – l’idée que cette loi devrait permettre d’imposer davantage le Nutri-Score dans le paysage français. Quant au professeur Serge Hercberg, président du Programme national nutrition santé (PNNS) et père du Nutri-Score, il salue « une avancée de santé publique même s’il eût été préférable d’aller plus loin en privant de publicité les produits les moins bien positionnés sur l’échelle du Nutri-Score. Mais au travers de cet amendement, on progresse tout de même dans l’information des consommateurs et on pousse les industriels à réfléchir à la reformulation de leurs produits ».

DÉROGER À LA RÈGLE SERA POSSIBLE

Mais attention aux petites lignes en bas du contrat ! Car il est précisé dans le texte adopté par les députés que « les annonceurs et les promoteurs peuvent déroger à cette obligation sous réserve du versement d’une contribution dont le produit est affecté à l’Agence nationale de santé publique (Santé publique France) ».

Les industriels qui ne voudraient pas afficher un Nutri-Score peu flatteur pourraient donc payer une obole « égale à 5 % du montant annuel des sommes destinées à l’émission et à la diffusion des messages publicitaires » à Santé publique France. L’agence allouerait l’argent à des travaux sur la santé des enfants. Pour Loïc Prud’homme, ce n’est certainement pas le levier économique qui devrait freiner les industriels mais davantage la peur du discrédit lié au refus d’afficher un logo quand d’autres s’y soumettent.

En somme, un manque de transparence des industriels à l’heure où les consommateurs désirent plus que jamais savoir ce qu’ils mangent pourrait se retourner contre eux. Et leur faire une bien mauvaise publicité.

Semi-échec ou demi-victoire, l’aval par la chambre basse de cette proposition de loi est dans tous les cas une bonne surprise de l’avis de ses défenseurs. La précédente proposition d’encadrement de la publicité via la loi alimentation avait en effet été sèchement rejetée à l’automne 2018. Pour l’heure, la nouvelle proposition de loi n’est pas encore passée devant le Sénat. Sous réserve d’être définitivement adoptée, son entrée en vigueur est fixée au plus tard au 1er janvier 2021.

Marie-Noëlle Delaby